I
Sacha ne s’était pas rasé depuis deux semaines si bien que l’on pouvait déjà apercevoir une barbe bien fournie percer sous ses joues.
Il avait décidé également de ne plus se couper les cheveux, et c’était un fait rare qu’il se les lave plus d’une fois par semaine ; il était soit économe, soit un grand amateur du Carpe Diem, a chacun son opinion.
Allons au but.
Sacha a 16 ans depuis deux mois et se fait sacrément chier dans sa vie ce qui fait de lui un mec intéressant à tout point de vue.
Il habite un modeste T3 avec sa mère, c’était en périphérie de la ville, Bourges je crois, un nom comme ça.
Il ne fait pas très beau là-bas, c’est une ville à l’Anglaise, aux briques rouge vif et au teint gris, comme si l’adéquation avec la pluie était de mise.
Pourtant, Sacha n’a jamais songé à la quitter.
Motif ? Trop jeune.
Sa scolarité ou plutôt le fait de se rendre au moins au lycée, consiste à traîner avec ses potes, fumer avec les mêmes, et écumer les bars environnants.
En fait c’est un rêveur comme John Lennon mais le talent en moins, il se définit volontiers comme un mec cool et stable et pense sincèrement être le garçon idéal dont toutes les sixteens à franges pesant 35 kilos rêveraient.
Evidemment pour parfaire le tout, il est secrètement amoureux de la blonde de sa classe assise au premier rang, à la troisième table en partant de la gauche et qui portait un slim si peu serré que tous les mecs dans un élan de finesse, faisaient tomber un objet au sol pour qu’elle le leur ramasse en dandinant.
La dernière fois avec elle ça a donné cela :
-« Tu pleures Sacha ?
-(Merde, je dois encore être bien défoncé).
Euh non, je vais bien, vraiment…
En fait…
(Putain ce n’est pas original mais je t’aime connasse…)
…
Tu sors ce soir ? »
Voilà.
Sacha a 16 ans, découvre beaucoup de choses et parmi celles-ci, l’amour.
Enfin je crois que ça s’appelle ainsi non ?
On devrait admirer ceux (ce doit être les Grecs) qui ont inventé le mot Amour.
C’est vrai, pouvoir faire entrer en cinq lettres : déception, mal de ventre, caféine, tabac et pleurs, ça tient réellement du génie.
Pour certains, c’est la plus belle des maladies, comme le chante si bien notre Alain Souchon national par exemple.
Peut être après tout.
Mais c’est aussi l’une des plus douloureuses.
C’est ainsi que Sacha est tombé malade après que la jolie blonde de sa classe (assise au premier rang, à la troisième table en partant de la gauche) ait embrassé trois gars devant ses yeux. Cette fille n’avait bien entendu rien bu ce soir là, mais devant trois paires de Ray-Ban, des franges et une main aux fesses, n’importe quelle adolescente Rock&Roll aurait succombée.
Surtout quand l’un des mecs était le sosie craché d’Adrien Gallo des BB Brunes.
Sacha s’est barré du parc où se rassemblait la jeunesse enivrée.
Avant, il a piqué une Marlboro (Light) à une brune à fossettes occupée à vomir son maigre repas, non sans la traiter vulgairement de traînée au passage.
« - Je suis peut être une p*te, mais moi je chiale pas comme une merde ! »
Il passa sa main sur sa joue.
C’était salé, ce n’était pas de la bière.
C’en était assez pour céder obligatoirement à la facilitée.
C’était le plus gros joint qu’il s’était roulé seul, mais l’épaisse fumée ne dissipait pas pour autant ses pensées sombres. Il était si triste qu’il ne ressentait plus que la chaleur de l’herbe qui se consumait entre ses mains.
Il se leva quarante-cinq minutes plus tard, brancha son Ipod et c’est en écoutant 21st CenturyCrooners de Ghinzu qu’il se mit à courir sans but, ses Converse déchirées foulant les pavées de la vieille ville.
Sacha avait le cœur brisé, c’est pourquoi son dépucelage sentimental acquis, il pensait n’avoir besoin que de tabac, de pleurs et de caféine pour espérer se reconstruire.
Il avait attendu 17 ans pour naître
Charlie